Le curé de Pulcheux

 Le curé de Pulcheux

Un individu qui a particulièrement alimenté les conversations sur trois communes et bien au-delà, c’était le curé de Pulcheux. Après le départ du curé Alexandre, L’évêché nomma un autre curé,  lui confiant trois paroisses, Aubertin, Pulcheux, et Souchon, il habitait à Pulcheux. Ce curé d'origine hollandaise, était conforme au modèle national hollandais, il ne mesurait pas moins de 2.04 m, ses effets de manches étaient à la mesure de sa taille, ses coups de gueule également, ses frasques aussi. C’était un chaud lapin, dans chaque paroisse il avait sa poule déguisée en grenouille de bénitier. Il fréquentait touts les bistrots des trois paroisses, clamant à qui voulait l’entendre qu’il était curé jusqu’à la ceinture et que tout ce qui était en dessous était réservé aux dames. Et il ne s’en priva point. Je ne sus jamais qui était celle qui l’épongeait dans la paroisse de Souchon, par contre à Pulcheux, une belle  veuve de la quarantaine suffisamment épongeante l'occupait bien. A Aubertin, ce fut une toute autre affaire, il séduit la femme d’un colonel en activité. Elle était certainement aussi épongeante que celle de Pulcheux, le curé comblait les vides lors des missions du colonel à l’étranger. Cette gente dame, madame Vazy,  se dédouanait vis-à-vis de l’opinion locale en faisant le catéchisme, jouant de l’harmonium avec tant de canards qu'elle s'avérait incontestablement bien plus douée pour jouer de la clarinette baveuse plutôt que de l'harmonium. Or ce colonel avait parfois des « permissions ». Un jour il surprit sur son salon en cuir, un entre-las de jambes dressées  en l'air et empêtrées dans une soutane relevée, un beau fatras noir au beau milieu duquel émergeait, le cul blanc du curé. On aurait pu s’attendre à un règlement de compte au 11.43 façon OK Coral. Mais non, le cocu se retira discrètement pour décider de  frapper plus calmement, et plus vicieusement. Il décida d'écrire un livre racontant les galipettes du curé avec sa femme et avec les autres femmes. Il condensa dans ce livre tous les potins des trois communes, chacun y trouva son compte quand il ne se trouvait pas coiffé lui-même, tout cela anonymement bien sur, mais suffisamment explicite pour que tous fussent reconnus de tous. Ce livre s’intitulait : "Madame et son Curé". Dans chaque maison des trois paroisses, ce livre trônait en bonne place, je pense que Robert a du récupérer  le nôtre.
Un jour de catéchisme, la mère Vazy, la femme du colonel et éponge locale du curé, nous dit que c'était le jour de l’anniversaire du curé. Après le catéchisme, le curé se rendit à son PC, c'est à dire le bistro UK. Qui eut cette idée, je serais bien incapable de le dire. Toujours est-il qu'à 4, nous décidâmes de sonner les cloches pour souhaiter l'anniversaire du curé. Avec moi, se trouvait Michel Savon, Alain Fable; et Joël Coulon. La corde de la cloche se trouvait dans la sacristie, il fallait traverser toute l'église pour y parvenir. Une fois sur place, il fallait lancer la cloche, elle était très lourde, à 4, plusieurs balancements étaient nécessaires avant d'entendre le premier coup de marteau. On lança donc cette foutue cloche. Dès qu'elle commença à carillonner sérieusement, prudent, je préférai laisser mes 3 copains continuer à sonner à tout va, à 3 ils y parvenaient très bien. Je sortis de l'église en courant, j'enfourchai mon vélo, me tenant prêt à démarrer si ça se gâtait,  et j'observai à distance  la suite des événements. Tel un diable sortant d'une boîte, le double mètre sortit du bistrot, de toutes les maison des gens sortaient,  pourquoi ce tocsin? Que se passait-il donc ? Le curé enjamba les marches de l'église, et parvint à la porte de l'église juste au moment où mes 3 acolytes sortaient, juste pour leur leur bloquer le passage. Prenant Joël par un bras il lui colla une paire de taloche de l'autre main, croyez moi, avec des bras de plus d'un mètre, il bloquait tout le passage, au bout du bras, ça faisait de l'effet! Il lâcha Joël pour passer au second, chacun eut sa paire de gifles, sans compter la dérouillée au retour à la maison pour Joël et Alain dont les parents étaient déjà sur la place inquiétés par ce tocsin imprévu, assistant à la distribution de taloches. Michel Savon et moi, n'habitant pas le bourg, nos parents n'eurent connaissance de l'exploit que bien plus tard, et sans conséquence pour nous. Quoique chez nous, une telle ânerie était plutôt du genre à faire rire mes parents.

L’époque du collège
Arrivé à l’age de 11 ans, avec quelques autres élèves, je fus inscrit en 6 ième aux Echelles . Il n’y avait pas d’internat garçon, comme Robert avant moi, je dus me faire 11 km le matin et 11 kms le soir dont au moins 10 en côte  pour le retour à la maison. Le souci de mes parents n’est pas venu des trajets, mais de mon comportement en journée. En effet, l’établissement scolaire n’était pas prévu pour les garçons, pas de cour de récréation pour les garçons, nous faisions nos « ébats » dans le coin de la place publique. Avec mon acolyte Joël Coton, nous trouvions bien plus intéressant de  partir en virée en ville à deux   sur mon vélo, moi sur la selle avec les pieds sur le guidon, Joël assis à l’arrière du vélo, pédalant à ma place en se tenant au tube de selle. C’est dans cet attelage que pendant les récréations, nous déambulions en milieu de matinée et en milieu de l’après midi dans les rues des Echelles. Un jour nous fûmes alpagués par le curé qui nous avait fait le catéchisme, une autre fois, ce fut mon père qui, surpris de voir cet attelage en pleine journée dans la rue, après une queue de poisson, nous fit une belle remontée de bretelles. Tout cela n’était pas très studieux, en outre j’avais des soucis avec la professeur d’anglais, la « Fifine », qui dès le premier cours me demanda :
-Tu es parent avec Robert Rabolliot
-Oui je suis son frère
-Hé bien j’espère que tu es moins con que lui…
Carrément, direct, ainsi la voie était tracée, je me demandais bien où je mettais les pieds, j’eus confirmation un mois plus tard que « j’étais plus con que mon frère » Imaginons ça 65 ans plus tard, aujourd’hui, ç’aurait été un branle bas de combat à l’académie, bref, à l’époque on s’écrasait. Bien des années plus tard, je sus par un ancien copain de mon frère, la raison de ce marquage à la culotte. En effet cette Fifine ne pouvait pas sentir Robert, pourquoi, je n’en savais fichtre rien, on aurait pu croire que c’était une mal baisée, pourtant, Tatane, le prof  principal s’en chargeait, c’était connu de tout le monde, personne n’avait tenu pas la chandelle, mais c'était un fort bruit de couloir. Pour en revenir à mon frère Robert, c’était vraisemblablement au cours de sa 3ième que l’incident est survenu. Harcelé (comme on dirait aujourd’hui) par cette Fifine, qui le mettait souvent à l’écart, un jour Robert considérant que le cours ne s’adressait pas à lui, décida de faire ses maths en Anglais. Fifine s’en aperçut, se mit à lui hurler dessus à tout va, au point que Robert à court d’arguments et ne pouvant pas en placer une, lui colla,  son classeur de math en pleine poire. L’affaire se termina bien évidemment dans le bureau de la directrice, la « mère Pantin », un surnom dû à son énorme nez.
Celle-ci avait Robert à la bonne, elle était ennuyée, sachant d’autant plus que Robert avait fait une mauvaise année précédente, opéré trop tardivement d’une appendicite, vraisemblablement proche de la péritonite. Pour permettre à Robert de finir son année, elle trancha : « Robert viendra dans mon bureau pendant les heures d’anglais, et cela jusqu’à la fin de l’année » Surprise, en fin d’année, Robert avait de très bons résultats en Anglais…
Devant ce climat haineux je décidai de ne rien faire en Anglais, ne sachant toujours pas pourquoi cette bourrique m’en voulait. Il en allait de même avec Tatane qui ne me faisait pas plus de cadeaux en cours et dans les notes. Toujours est-il que je redoublai.
Mes parents, pas très enchantés de la tournure des choses  pensaient à juste titre qu’il ne fallait pas continuer dans cet établissement, ils  décidèrent de  m’inscrire à l’internat du lycée du Châtré sur Loire, sorties une fois tous les 15 jours, encore fallait-il ne pas être collé… Telle était la donne posée pour ma seconde sixième.
Les classes de sixième et cinquième dans ce nouvel établissement, se passèrent bien, mes notes étaient très correctes. A l’internat on pouvait parfois s’ennuyer, quelques décarrades le jeudi ou le dimanche compensaient, mon lance pierre reprit du service sur le chien du directeur, baptisé le « père snif », en raison de ses reniflements, une sorte de tic. Avec ses chaussures ferrées,  bruyantes et de sa marche dans les couloirs à une cadence militaire, nous appelions aussi ce directeur, « Bigeard », le nom du colonel si célèbre dans les années 50 et 60. Snif (ou Bigeard) possédait un chien,  un briare qu’il lâchait la nuit dans la cour, juste sous les fenêtres du grand dortoir où je dormais. Ce chien aboyait très souvent, c’était passablement gênant surtout l'été lorsque les fenêtres du dortoir n’étaient pas toutes fermées, je pris rapidement la décision de ramener mon lance pierre à la sortie suivante. Celui-ci reprit du service, les aboiements du clébard se terminaient par des kaï-kaï, sous les rires des autres pensionnaires. Jusqu’au jour où le père snif entendit la musique terminale de son chien qui  revenait queue basse….
Ce fut immédiatement un « tout le monde au pied du lit »,  à l’interrogatoire, tous restèrent muets, de rage, le père snif mobilisa les deux pions et lança une fouille générale, tout aussi négative. Pas fou, en prévision de ce type d’incident, j’avais pris la précaution de ne pas avoir ce lance pierre sur moi, ni dans mon placard, prudent,  je le plaçais dans la gouttière, sous la première rangée de tuiles avant de refermer la fenêtre,  juste sur le côté de l’appui de la fenêtre d’où je tirais, prenant bien soin de le replacer à chaque fois à cet endroit, sitôt après chaque opération punitive.
Arrivé en classe de 4ième, deux options se présentaient à moi, le cycle court et le cycle long. Sans consultation  de mes parents ni même de moi, le père snif et les enseignants m’imposèrent le  cycle long. Je désirais aller jusqu’en 3ième, passer mon BEPC pour aller ensuite dans le technique, la deuxième langue ne m’intéressaient pas plus que ma première chemise. Ce qui m’intéressait, c’était la physique et la chimie, très utile dans le technique, et bien plus passionnantes. Je signalai mon désaccord au père snif qui me renvoya dans mes 18 m… De ce jour, fâché, je décidai d’avoir le dernier mot, objectif faire admettre mon choix. Pour ce faire, je décidai de ne rien faire aussi bien en Allemand qu’en Latin, flanquer la pagaille, comme  par exemple, en répondant systématiquement en anglais aux questions posées par le prof en allemand. Quant aux exercices, ils étaient décorés comme des pièces de musée. Survenaient fatalement les remontées de bretelles, toutes sans effet, des convocations chez le père snif, sans plus d’effet, et finalement la convocation de mes parents. Ma mère qui connaissait mon argumentation enfourcha la mobylette de Robert et vint seule,  au grand désarroi du père snif, elle me donna raison et argumenta dans mon sens.
A mon grand soulagement, quelques jours plus tard, début décembre, snif m’appela à son bureau pour me signifier mon changement de classe, je passais en cycle court, autrement dit 3 semaines pour me mettre à niveau en physique et en chimie. Je pris rapidement le train en marche, aux interros et contrôles de connaissances appelées à l’époque « compositions », je me positionnai avec la meilleure copie… Rien qu'avec ça, la conclusion s’imposait, le père snif ne m’en reparla jamais.
En fin d’année, mes parents pressentaient une 3ième houleuse en raison de l’année précédente, au fond partir en technique après la 4ième ou la 3ième, pas grande différence, sinon le BEPC qui serait différé, ils décidèrent de ne pas continuer les guignoleries du Lycée où j’étais certainement attendu de pied ferme. Je fus inscrit de suite en technique, au centre de Vazydonc, section menuiserie, interne, sortie une semaine sur deux, un nouvel univers s’ouvrait à moi. Dans cet établissement, géré de façon militaire, douches communes, appels au pied du lit, draps pliés chaque matin avec les draps en croix, et lits faits au carré sitôt après le repas de midi, juste avant de redescendre en étude. Deux pions régnaient sur ce système, l'un d'eux, le père Laronce dont je reparlerai plus loin, les circonstances de la vie étant parfois cousues de surprises et de coïncidences.
Les trois années de formation techniques se déroulèrent sans aucune anicroche, clôturée à mi juin par un CAP sur trois ans, équivalent du BEP actuel, j’étais bien décidé d’en finir avec le monde scolaire, travailler, gagner de l’argent pour être comme tout le monde. Pendant cette période je m’achetai avec mon propre argent gagné à faire des petits boulots, ma mobylette, une « bleue », une Mobymatic à variateur. A la dernière minute, ma mère sortit une liasse de billets, et me dit, je t’en paie la moitié mais tu me la prêteras lorsque j’en aurai besoin. Je ne pouvais pas refuser, et j’étais heureux de faire cette économie. J’avais cessé d’utiliser celle de Robert, mais à son retour de l’armée, il en avait eu besoin avant d’acheter sa première voiture. Plus tard, lorsque j’eus ma voiture, ce fut mon frère Maurice qui reprit cette mobylette qui  lui fut volée à Montpellier ou à Mende.

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