Chapitre - 3 : De retour à la vie civile

 De retour à la vie civile

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Sitôt de retour à Aubertin, je contactai mon ancien employeur pour faire valoir mes droits à la reprise. J’arrivai à l’atelier, discutai avec les anciens collègues, j’appris que l’activité n’était pas bonne, que ça licenciait, Piton approchait de la retraite, il n’avait pas de repreneur, alors il laissait diminuer l’activité. Dans ce contexte, je me mis en quête d’un autre boulot. Le lendemain, je trouvai un travail payé au lance-pierre, mais il fallait bien se remettre en selle après l’armée, j’acceptai cet emploi.
J’embauchai en septembre 67 chez Courtepatte. à Glandvert, une entreprise familiale, gérée par deux frères et un gendre, il y avait trois ateliers, un atelier de menuiserie, un autre de charpente, et un atelier de serrurerie. Je me mis au travail, aussi bien à l’atelier qu’en chantier, tout le monde semblait content de la nouvelle recrue. En novembre, me considérant comme mal payé et fort de deux chantiers terminés malgré des conditions exécrables, je coinçai un des deux patrons pour lui demander s’il était satisfait de mon travail, réponse  : Oui. Je continuai en ajoutant, très bien mais moi je ne suis pas satisfait de mon salaire, une augmentation serait la bienvenue. Après un moment de réflexion, le p’tit Pierre, on l’appelait ainsi entre nous, me dit : « Oui, on peut t’augmenter ».
Arriva la paie suivante, je constatai l'augmentation : un centime de franc de l’heure. De 1,27 franc de l’heure, soit le smic, j’étais passé à 1.28. C’était clair, ils se foutaient carrément de ma gueule, j’en parle au chef d’atelier, qui me répond en rigolant : « Ah c’est comme ça avec eux » Ok répondis-je, je ne vais pas faire de vieux os ici.
Je reprends mes recherches, j’en parle au foyer de jeunes travailleurs, un gars que je connaissais que de vue me dit, j’ai peut-être quelque chose à te proposer, il faut que j’en parle à mon patron. Le lendemain j’avais un RV pour le samedi matin suivant avec le patron d’une société de construction glandverdoise qui ouvrait un secteur menuiserie, la société Batéco. Cet entretient déboucha sur une embauche directe le deux janvier 1968, et à un salaire très correct. Le lundi même, je demandai mon compte chez Courtepattes pour huit jours plus tard, à cette époque,  c’était le préavis normal dans le bâtiment.

Batéco
J’embauchai donc à la sté Batéco début janvier 68, où un corps d’état menuiserie était à mettre sur pied. Pas de matériel, peu de véhicules, tout était à acheter, le patron, Monsieur Souchaud avait prévu de financer le nécessaire. Ainsi fut fait dans les mois qui suivirent. Dans un premier temps, je devais terminer des chantiers abandonnés par une entreprise de menuiserie défaillante. Personne ne voulant reprendre derrière une autre entreprise, cette situation a vraisemblablement joué pour beaucoup dans mon embauche. Je me donnai à fond dans ce boulot, bien payé.

Faits Divers
Quelques semaines après avoir embauché chez Batéco, j'appris avec stupeur le drame qui avait frappé la famille de mon précédent employeur, Courtepattes. La fille de Pierre,  avec sa belle soeur, belle fille de Marcel, le second frère Courtepattes, se promenant sur la route des bords de la Loire, furent fauchées par une voiture, qui avait plusieurs hommes à bord, fuyant devant la police pour avoir commis un hold-up au Crédit agricole de Glandvert, la fille de Pierre fut tuée sur le coup, sa belle soeur lourdement handicapée et à vie. L'alerte fut lancée à toutes les gendarmeries, les gangsters en fuite, arrivant à Varzy,  furent stoppés par trois gendarmes au carrefour de la N151 et de la RD 977, la voiture s'arrêta, et aussitôt les occupants abattirent deux gendarmes, le troisième gendarme ne put empêcher le départ de la voiture. J'ignore si ces individus ont été arrêtés par la suite.

L'assassinat au Petit Marot
Chez Batéco, un de nos chefs de chantier maçonnerie, Patrick C, jouait au Rugby, avec son frère, l'équipe de Rugby formait  une bande de joyeux drilles. Un soir après l'entraînement il entrent à la Cariole, une boîte de nuit glandverdoise, dans laquelle ils aimaient passer quelques moments, il y avait quelques filles, mais spécialement de racolage, elles étaient connues de tous. Dès leur entrée, il aperçurent un type qui voulait dérouiller une de ces filles. Ils s'interposèrent, et jetèrent manu-militari deux gars dehors. Puis avoir pris un verre ou deux ils sortirent pour rentrer chez eux. En sortant de cette boîte, alors qu'ils rejoignaient leur voiture, le frère de Patrick C. qui travaillait chez nous, et un autre, qui était assureur à Fourchambald, aperçurent les deux types qu'ils avaient éjectés embarquant de force une fille dans leur voiture. Ils sautèrent dans la leur et les prirent en chasse. Ils les rattrapèrent et réussirent à les bloquer une douzaine de kilomètres plus loin, sur la RN7, au lieu dit "Le Marot" sur la commune  de Magny-Long. Nos deux rugbymans descendant de voiture leur crièrent, "Cette fois, on va vous faire passer l'envie d'emmerder les filles !" Pour seule réponse ils encaissèrent plusieurs coups de pistolet, et tombèrent en plein milieu de la route, morts.  Une chasse fut lancée par toutes les police de France, sans succès. Ce n'est que deux ans plus tard que deux inspecteurs de police de Glandvert qui ne lâchaient pas l'affaire, les logèrent en Italie, où ils allèrent les arrêter avec les policiers italiens. Le procès dura deux jours pour le moins, je ne me souvient plus des peines  auxquelles ils furent condamnés, notez bien qu'à cette époque, la peine de mort avait encore cours, malgré tout elle ne fut pas appliquée, supprimer définitivement deux criminels, priver la société de ce genre d'oiseaux aurait été trop dommage...

Revenons chez Batéco.
Sur Paris, un gros chantier était en cours, avec notamment un énorme escalier balancé sur deux étages, un escalier que devait installer une entreprise de charpente bien connue, extrêmement qualifiée, une entreprise familiale l’entreprise Prast. à Glandvert. Or ces gens là étaient débordés, je fus « invité » à les rejoindre pour cet escalier notamment, ce fut aussi une façon de mettre en pratique ce que j’avais appris à l’école. Ainsi fut fait, je me farcis cet escalier de A à Z , l’épure et le traçage sous l’œil vigilant du patriarche âgé  de plus de 70 ans, très gentil mais détenteur du droit de vie ou de mort dans l’atelier. Quelques jours plus tard je partis avec cet escalier dans une estafette pour sa pose, seul, en région parisienne, près de Mantes la Jolie. Tout se passa très bien, ce fut le début d’une série d’interventions de ce genre, mais cela ne faisait pas pour autant le reste de la menuiserie des chantiers, il fallut embaucher, un, puis deux, puis 3 menuisiers, 4 avec moi, ainsi on a pu créer deux équipes, puis je me vis promu responsable de l’ensemble de l’activité de menuiserie. Souchaud, le patron avait procédé un peu de même en plâtrerie, en peinture, en plomberie/chauffage, puis en maçonnerie, trois équipes de 4 avec le matériel. L’entreprise gonflait, c'était devenu une vraie entreprise générale avec son bureau d'étude, vent  en poupe sur le plan commercial. Commencèrent à apparaître des problèmes de gestion de l’ensemble, et surtout du gros œuvre. Un conducteur de travaux fut embauché pour gérer la partie gros œuvre, un ingénieur doué, sympa, tout se passait très bien avec lui, perso je gardais mon autonomie, personne ne me cherchais de crosses. Un jour, Spaghhetti, un lèche-cul se fit embaucher en maçonnerie, comme chef d’équipe, ambitieux, le torchon a très vite brûlé avec l’ingénieur qui chapeautait la maçonnerie. De conflits en conflits avec ce faux-cul, l’ingénieur finit par donner sa démission. Les autres corps d’état observaient ça avec une certaine inquiétude. Puis arriva un directeur commercial, un gros prétentieux roulant des mécaniques avec sa Rover toute rutilante. Cette personne, sous prétexte de montrer des chantiers aux clients se permettait de mettre le nez dans nos différentes organisations. Il y eut des levées de boucliers. Souchaud, le patron ne réagit que mollement. Pire ce m'as-tu vu venait maintenant fourrer son nez au dépôt.  Je fus celui par qui ça a explosé. Un jour, pour lui faire comprendre qu'il n'était pas le bienvenu au dépôt qui était purement à vocation technique, je lui disposai 4 pointes pour béton de 50 mm, bien axées devant et derrière chaque roue. Il dut s’arrêter  500 plus loin dans une station, 3 roues crevées. Problème, c’était signé : des clous acier utilisés par les menuisiers. Mais nous étions 4 ….. Convoqué chez Souchaud, je niai les faits, mais il ne fut pas dupe du tout, je fis remarquer que ce gars là n’avait rien à faire au dépôt. Souchaud  prit acte de cette remarque, nous ne vîmes plus ce zigoto au dépôt. Mais un autre énergumène semait sa pagaille, haranguant les maçons,  mouchardant les autres, Spaghetti, ce faux-cul qui avait dégouté l'ingénieur au point de la faire démissionner. Un jour mon collège de la plomberie avec qui j’étais très copain me dit :
« Michel, on a un souci sur le chantier d'un véto à Corbigy, on ne peut pas passer sous le vide sanitaire, il faudra qu’on contourne. Lors du coulage du plancher, l’étayage a cédé, une poutrelle a pété, les gars sur ordre de Spaghetti ont rajouté des aciers, et comblé l'affaissement avec du béton, sous la surcharge de béton, une deuxième poutrelle a cédé , 4 ont pété ainsi à la suite, remplacées par une masse de ciment de près de 5 mètre cube que ce crétin de Spaghhetti a fait couler, remplissant le vide sanitaire de béton  plutôt que stopper pour ré-étayer. Du coup, nous ne pouvons plus passer nos tuyaux, je voudrais prendre ça en photo pour le montrer au patron, mais j'ai pas d'appareil photo, tu n’as pas ça ? »
-Oui j’ai ça
-Alors on y va ce soir.
Après un ramping sous la maison avec mon Instamatic de l’époque, je fais développer les photos : le résultat était très net. On les garde sous le coude. Oh pas longtemps, rapidement un coup de gueule survint avec Spaghhetti le faux-cul, je lui mets dans les dents qu’il ferait mieux de la fermer, que j’avais pris des photos de ses miracles à Corbigy. Après avoir bien pâli, Spaghhetti se casse. Pas à court de culot, sans complexe, ce faux-cul  va se plaindre au grand patron que je prenais des photos de travaux de maçonnerie, bien évidemment sans préciser que je photographiais ses malfaçons, des malfaçons pleinement de son fait (en gros c'était un "plus con, tu meurs"). Il sciait la branche sur laquelle il était perché, il n’avait tout simplement pas pensé qu’à son tour le grand patron irait ramper sous cette maison, quant au problème de passage de tuyau, ça le dépassait certainement… Il fallait être franchement idiot  pour croire que Souchaud n'irait pas vérifier.... Toujours est-il que d’une part Spaghhetti fut viré, et moi également car « ça ne se fait pas de faire du chantage aux cons », un départ que j’ai quand même bien négocié avec un avoué de la société, ça m'a permis d'acheter du matériel pour démarrer ma propre entreprise. Au final j'ai tellement bien négocié que Batéco fut un de mes premiers clients, un client qui m’a toujours payé rubis sur l’ongle.

Nos sorties entre copains pendant la période 1967 à 1970
Après mon retour de l’armée, je pris une chambre au foyer de jeunes travailleurs de Glandvert, je m’y fis 4 copains, Dédé, un grand balaise, impressionnant mais très gentil,  Michel qui n’avait que 17 ans, horticulteur, Gérard et Doudou, un jeune électricien passionné de radio et de télévision. Point commun qui nous a rassemblé : nous en avions tous marre de l’ambiance du foyer de jeunes travailleurs où le soir l’envie de distribuer des baffes émergeait. Le plus jeune, et de loin le plus débrouillard avait trouvé un appartement dans Glandvert, nous l’avons loué, il faisait  plus de 120m², en centre ville, rue de Nièvre, au troisième étage. Nous avions des jambes à l’époque, ça faisait l’affaire pour bien moins cher que le cumul de nos 5 piaules au foyer. Doudou nous a rejoint un peu plus tard, avec tout son attirail radio. En gros une "co-loc" comme on en parle tant aujourd’hui.

Doudou, la télé et la radio.
Doudou était passionné de radio, de télés et d’anciens appareils radio. Les premières télés tombaient souvent en panne, au foyer de jeunes travailleurs, il faisait de la réparation dans sa piaule, le directeur, un brave homme, passionné lui aussi, avait toléré cette activité dans une chambre de cette institution. Doudou avait la télé dans sa chambre, une bricolée, sans sa carcasse, mais elle marchait, très nette. Un jour, la télévision  du foyer ne marchait plus,   la télévision personnelle du directeur ne marchait pas non plus, à l’époque c’était fréquent, les émetteurs tombaient souvent en panne. Le directeur passant devant la chambre de Doudou, entendit une émission télé qu’il reconnut, surpris, il frappa, entra, vit la télé marcher.
-La télé marche chez toi ?
-Oui
-Ah bon, il faut que je vérifie la mienne.
Le directeur vérifia la sienne, tout était OK mais ça ne marchait pas, il vérifia celle du foyer, même conclusion, du coup il eut un doute, pensa que Doudou s’était raccordé à l’antenne de l’établissement et avait  squizé les raccordements des deux autres. Il monta sur la terrasse, et constata que tout était normal. N’y comprenant rien, il redescendit, et se rendit à la chambre de Doudou, qui regardait toujours la télé, il  frappa et entra.
-Comment tu fais pour avoir la télé, moi je n’en ai pas ?
-Avec une chaise
-Comment ça ?
-Venez voir
Le directeur hallucina en voyant une chaise métallique avec 4 patins caoutchouc aux pieds installée sur le balcon, et le câble qui la reliait à la télé.

Doudou et la DST
A cette époque les émissions radio amateur étaient très réglementées, il fallait des autorisations pour émettre sur les ondes et les émissions non autorisées de voyaient interrompues, le matériel saisi et les auteurs des émissions poursuivis en justice.
Fort de ses connaissances, persévérant, avec des composants de vieux postes radios, des lampes à l’époque, alors qu'on commençait seulement à parler de transistors et autres composants électroniques, Doudou avait monté un poste radio rudimentaire, avec un tas de lampes, une vraie usine à gaz! Dans un premier temps il se contenta d’écouter sur les ondes, écouter des messages dans toutes les langues, il prenait son pied, quelle victoire pour un petit électricien de bâtiment, souvent pris pour un con parce qu’il était de « l’assistance publique ». Il se mit à construire un émetteur, un jour, il commença à répondre à des messages émis d’un peu partout, pas facile, pour lui il fallait se limiter au français, bref, il essaya, trouva des interlocuteurs, cela semblait sans grand intérêt, si ce n’est la satisfaction de joindre tel ou tel pays, d’aller au bout du monde.
Malheureusement, un jour, une DS noire s’arrêta dans la cour du foyer, il en descendit deux individus aux tenues de croque-mort, bien  cravatés. Il entrèrent, frappèrent chez le directeur et se présentèrent comme des inspecteurs de la DST. S’en suivit  une discussion avec un directeur qui n’en croyait pas ses yeux : « on émettait en toute illégalité depuis son établissement. » Le directeur pensa de suite à Doudou. Ils montèrent à sa chambre, il était absent, au travail. Il paraît que les deux inspecteurs furent suffoqués, presque hilarants devant l’installation. Ils attendirent 17 heures, le retour du travail du petit génie. Quelle surprise ce fut  pour lui d'être l’objet de tant d’intérêts !
Après un bon remontage de bretelles et une promesse faite par  Doudou de ne plus émettre,  les inspecteurs de la  DST ne saisirent pas son matériel qui prêtait à rire, déclarant qu'ils n’engageraient pas de poursuite, mais qu'ils ne voulaient plus capter d'émissions. Par la suite Doudou s’abstint de tentatives d’émettre, et l’affaire en resta là. Néanmoins, Doudou était devenu une vraie vedette au foyer de jeunes travailleurs, il avait pu contacter les chinois !

Plus tard nous récupérâmes Doudou comme co-locataire au 43 rue de Nièvre, il était source de rigolades supplémentaires, avec pour bénéfice de couper le loyer en 5 au lieu de 4. En plus il nous gratifiait de la télévision, raccordée cette fois à une antenne placée à la fenêtre du grenier. Notre Doudou n’était jamais à cour de ressources. Doudou avait acheté une 4 CV Renault, en quelques mois, c'était devenu un vrai prototype, le moteur avait laissé la place à un moteur de Dauphine 1093, les trompettes arrières remplacées par des trompettes de Renault 8, bien plus larges, les ressorts de suspensions rognées d'une spire, cette voiture roulait avec les roues façon "Gordini," ,les roues dépassant des ailes qu'il  avait du recouper pour obtenir le passage nécessaire. Bref, ainsi roulait Doudou, les gendarmes se contentaient de le regarder passer, heureusement à l'époque il n'y avait pas de contrôle technique.
 Ce qui n'empêchait pas Doudou de rouler comme une bombe, sans jamais avoir eu d'accident. Et combien il a eu raison de profiter de la vie à sa façon.
 Malheureusement, Doudou était une personne qui « ne craignait rien », il se soignait à la petite semaine, il attrapa une varicelle, ne se soigna pas spécialement et finit par être hospitalisé. Cette hospitalisation dura plusieurs mois, il ressortit comme une légume, le  cerveau atteint, rongé par cette maladie, une forme dont on ne parle pas assez. C’est avec consternation que nous avons appris la nouvelle. Il est retourné dans sa famille d’accueil, où nous sommes allés le voir,  nous ne le reconnaissions plus, quelle tristesse. Quelques temps, plus tard il fut conduit dans un centre  adapté près de Glandvert où nous l’avons revu plusieurs fois, pas très encourageant, pas d’amélioration remarquable, toujours sans changements, de toute évidence shooté, c’étaient très certainement les seuls soins qui lui étaient apportés. Quelle saloperie de maladie, infantile certes, mais très souvent des complications possibles, surtout chez les adultes si elle est mal soignée.
 Dans l’appartement de la rue de Nièvre, pour faire la cuisine, la vaisselle aurait permis de tenir un siège, souvent la vaisselle sale traînait, alors le plus jeune d’entre nous Michel qui n’avait que 17 ans, la drague facile mobilisait ses copines pour faire la vaisselle lorsque la vaisselle propre devenait rare…. C’est avec plaisir que nous arrivions le soir, trouvant une ou deux nénettes en train de faire la vaisselle. On leur payait l’apéro, mais ça s’arrêtait là, Michel faisait ce qu’il voulait avec les nanas c’était son problème, mais nous,  les anciens, nous devions montrer l'exemple « jamais avec le petit personnel… », sinon ça aurait tourné au lupanar. Bien plus jeune que nous il se débrouillait à merveille. Parfois, le dimanche soir, en rejoignant cet appartement, on entendait du bruit, en poussant délicatement la porte de la chambre, il arrivait que  des nudités apparaissent de sous l’édredon, on tirait délicatement la porte pour passer à autre chose. Sacré Michel !
Généralement nous sortions les samedi soir et dimanche soir, allant d’une fête de village à une autre,  Dédé et moi avions chacun une 4L, au bal, Michel, le jeunot, venait fréquemment nous demander nos clés de voiture… "OK, mais tu ne dégueulasses pas les sièges !" Très prolifique Michel, il a bien eu raison, telle en prouve sa fin de vie.
Quelques temps plus tard, il s’est installé à son compte à son retour de l’armée, comme horticulteur, c’était son métier, il se maria, quelques années plus tard il  eut une fille.
Je lui ai prêté la main pour démonter les serres d’occasion qu’il avait achetée à son ancien patron, les ai transportées avec mon camion, puis je lui ai donné la main au remontage.
Son exploitation agricole l’emmena jusqu’à l’âge de la retraite, malheureusement, après avoir bossé toute sa vie comme une bête de somme, il décéda, peu de temps après lui son épouse est décédée également, juste avant l’age de la retraite, encore deux qui ont cotisé pour rien, sans jamais avoir cessé de travailler.
Parfois les soirées étaient longues au 43 rue de Nièvre, à l’époque pas de télé ou très chère, noire et blanc, avec une chaîne, pas plus, le prototype de Doudou nous rendit bien service. Le soir nous sortions en ville, souvent pour aller boire un guignolet kirch au Petit caveau dans le centre ville, c’était l’occasion de siffler des filles, pratique aujourd’hui punissable, cherchez en ça l’intelligence, autrefois, les filles étaient fières d'être sifflées, en comparaison d'aujourd'hui où tout est vicié, nous n'avions pas du tout les mêmes valeurs... Ou alors nous allions quelquefois au cinéma, mais ça finissait par couter cher... Certains soirs de pluie ou de froid, nous restions à l’appartement, en quête d’occupation et d’idées. Un soir une discutions partit sur les capotes anglaises, aujourd’hui "préservatifs", (avec ce nom elles doivent certainement être plus solides, il faudra tester) … Quelle était leur contenance ? Dédé dit, hé bien on va en gonfler une, c’est parti, pas facile, elle finit par péter à la tronche de Dédé. Plus prudent Michel dit, on va la remplir d’eau, Dédé en sort une seconde, Michel dit « Si on la met dans une cuvette, rien de vif ne la touchera, ça devrait pas mal gonfler. » OK, on recommence, la cuvette dans la douche, on dévisse le pommeau de douche pour placer le tuyau dans la capote, ficelé avec de la ficelle à rôti, et on remplit tout doucement, arrivé à une bonne dizaine de litres, ça pète. Moi de dire à Michel, « tu parles, tu as rempli d’eau froide, le caoutchouc est plus cassant qu’à chaud , mets de l'eau tiède». Après avoir réglé la température sur un tiède assez fort on renouvelle l’essai plusieurs fois, pour arriver à près de 20 litres. On réussit à la ficeler avec de la ficelle à rôti sans qu'elle pète. Qui de nous eut l’idée de balancer la capote pleine du troisième étage, je n’en sais fichtre rien, toujours est-il qu’on a ouvert la fenêtre qui donnait sur la ruelle adjacente à la route principale, pour basculer tout doucement la cuvette qui contenait cette capote. Après une chute de 3 étages elle explosa au sol, balayant le gravier sur plus d’1m.50 de diamètre. Impressionnant comme effet, ça nous amusait bien, on recommença, on en remplit une autre. Sauf que dans cette ruelle sombre, non passagère, très souvent des poivrots du bistro d’en face venaient soulager leur vessie. Lorsqu’on revint avec la seconde capote chargée à 20 litres, on aperçoit juste en dessous un gars bistouquette à la main. Nous étions morts de rire,  d’emblée on lui renverse la capote chargée de 20 litres d'eau, celle-ci explose à moins d’1m de lui. On a jamais su si le gars s'était pissé dessus, toujours est-il qu’il a détalé, sans prendre le temps de remballer le matériel, peut-être a-t-il déboulé dans rue de Nièvre bannière au vent. Nous étions morts de rire, jusqu’au moment où Gérard nous sort : » En attendant, s’il l’avait pris sur la tête, c’était quand même 20 kilos lancé de 3 étages, on aurait pu le tuer, ». La remarque nous avait sérieusement refroidi, à cet instant nous avions tous compris qu’on était passé à deux doigts du fait divers et peut-être de la tôle ! Autant vous dire que ça nous avait sérieusement calmé.
« Et puis c’est moi le baisé, s’écria Dédé, j’ai plus qu’à me racheter une boîte de capotes ».
L’appartement était au troisième étage du bâtiment central d’un U formé par deux ailes, avec une cour interne où on garait nos voitures, plus aucun souci de stationnement, seules les voitures de la proprio et les nôtres y avaient droit, sans oublier la Flandria 50 à vitesses, que Dédé avait vendue à Michel, le soir le portail était fermé, c’était le top. Les deux ailes du bâtiment n’avaient que deux étages,  de notre 3ième étage nous avions vue à droite et à gauche sur le toits des deux autres ailes, et sur les gouttières. Nous étions agacés par les largages stratégiques par les pigeons sur les voitures, tout le monde rouspétait après ces satanés pigeons. Un jour Michel me dit :
-Tu as une 22, on se les tape.
-Tu déconnes, avec une 22 on va tout percer, sans compter les ricochets, ça peut tuer quelqu’un et assez loin, même après avoir ricoché, en plus on est en pleine ville.
-Attends, on va demander à Dédé, il a une  4.5 à air comprimé, ça sera plus discret.
-Oui, ce sera déjà plus prudent et certainement suffisant.
Le lundi suivant, Dédé amena de chez lui sa 4.5, et nous voilà parti à canarder les pigeons, certains tombaient dans la cour pour ne plus s’envoler, Michel content de lui s’écria
-On va les manger
Moi de répondre
-Alors tu plumes, et puis ils doivent être coriaces ceux là, ce ne sont pas des jeunes ramiers !
-T’occupe, on a le menu de demain soir, tu vas chercher des petits pois à l’épicerie (elle était à deux pas), je m’occupe de plumer, vider et de la cuisson.
Toujours est-il qu'entre ceux qui tombaient et ceux qui partaient plombés, par la suite les pigeons se faisaient de plus en plus rares, et méfiants…
Le lendemain de la première "chasse", lorsque je suis arrivé à l’appart, Dédé était tout joyeux, il me montra d’un signe de tête la cuisine d'où se dégageait une agréable odeur de cuistance, je m’y avance doucement pour jeter un œil, Michel, une serviette au tour de la ceinture était en train de rôtir 3 pigeons dans une cocotte. A ce moment Dédé dit dans mon dos :
-Elle n’est pas mal notre cuisinière, hein !
Je réponds
-Mets lui la main au cul histoire de voir..
-Essaie seulement et je te colle la gamelle sur la gueule riposta Michel ….
Bref, on s’est partagé 3 pigeons à 4 ou à 5, bien arrosé, nos lits n’étaient pas loin. A un moment Michel dit : « Il n’y a plus qu’à recommencer », je rétorquai, « On ne va tout de même pas bouffer du pigeon tous les jours ». On a quand même réitéré l’affaire, sans pour autant cesser nos séances de tir du soir, on descendait dans la cour pour ramasser  discrètement les pigeons, puis on allait les placer dans une la poubelle qu'un voisin avait sorti au soir dans la rue, parfois il restait des plumes sur les voitures, dont celle de la propriétaire, on a jamais su si elle connaissait la raison de ces plumes qui maintenant remplaçaient les fientes… Ainsi, vous imaginez l’ambiance des soirs. Bref, les filles faisaient la vaisselle après c'était l'essentiel ! Comme on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, de temps en temps elles avaient droit à l’apéro, et, consigne oblige, pas de mains baladeuses, pourtant ce sacré Michel avait bon goût, mais je ne suis pas certain qu'il en soit resté aux simples apéros, c'était un sacré sauteur !
Pendant cette période, les deux cousines de la femme de Robert, m’ont un peu occupé, avec Mad, la plus âgée, bêtement je suis resté correct, trop correct j'ai pas pris le train quand il fallait, j'ai juste traîné les pieds le temps nécessaire pour me la faire lever par sauteur sans scrupules. Par contre avec sa frangine, Re, retrouvée par hasard lors d’une sortie avec Dédé, ce ne fut pas la même. Lorsque je travaillais en déplacement vers Mantes la Jolie, nous nous étions fixés rencard à Paris où elle travaillait, à sa chambre, le dimanche. Autant vous dire que passer un dimanche avec elle, entre 4 murs fut plutôt révélateur, la donzelle était un tantinet goulue, amusante histoire, mais elle était trop goulue à mon goût, trop envahissante,  il fallait quand même rester les pieds sur terre. Cette petite histoire n’a duré quelques semaines, je dus casser le bail, la greluche se faisait de plus en plus collante, ça devenait lourd.
Au cours des sorties avec les copains du 43 rue de Nièvre, je fis connaissance de celle qui devint ma première épouse. Pour la circonstance et me conforter dans l’idéologie du rêve, dans ce livre je l’appelle Mélusine  ( fée Mélusine ). Effectivement, les premières années de notre mariage, elle me vendit du rêve, un rêve qui se dissipa au bout de 15 ans de vie commune. C'était une fée à trois facettes,  Fée Mélusine quand tout lui convenait, fée Lation lorsqu'elle voulait arriver à ses fins, au bout de 15 ans de vie commune, elle dévoila au grand jour son côté fée Carabosse, une fée Carabosse qui a bousillé ma vie,  la vie de notre fils, et certainement aujourd'hui celle de mon petit fils Ju. Ma situation fut complètement torpillée, nous divorçâmes en 1999 après plusieurs années de séparation.

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